Avoriaz a 50 ans – Episode 3 : Jacques Labro, l’audace

En 1961 Jacques Labro est distingué du Prix de Rome. Il a 26 ans et fait avec Gérard Brémond une rencontre déterminante. Avec Jean-Jacques Orzoni, avec qui il crée l’atelier d’Architecture d’Avoriaz, il imagine, conçoit et réalise une nouvelle station, idéale et ludique, en partant d’une page blanche : construire 209 000 mètres carrés sur le principe d’une station sans voiture initié par Jean Vuarnet.

L’approche de Jacques Labro : “le paysage appartient à l’architecture et l’architecture appartient au paysage en s’identifiant à lui ”. L’équipe d’architectes s’affranchit de toute figure géométrique régulière et dispose dans un entrelacs de parcours skiés des immeubles, chalets et équipements selon la nature du programme et surtout la topographie.

Chaque édifice, unique dans sa silhouette et sa volumétrie, s’adapte au terrain, s’inscrit dans ses courbes et ses volumes en une démarche expressionniste qui révèle et accentue le paysage qui l’entoure. Le plan directeur de la station, dessiné en 1964, est aujourd’hui encore le marqueur indélébile qui permet à Avoriaz de se réinventer avec une cohérence qui conditionne chaque nouvelle construction. (« C’est l’architecture qui a fait le cahier des charges »).

Avoriaz, vu depuis le haut de la « Tête aux beufs »

Cette architecture vivante que Jacques Labro inscrit dans le mouvement de l’architecture “organique”, dans la lignée de Franck Lloyd Wright ou Aval Aalto, va à l’encontre des modèles existants ou construits à la même époque, comme la rigueur canonique de Flaine ou le style néo-rustique qui s’imposera ailleurs.

Elle révolutionne le bâti de montagne en inventant le ski de l’an 2000 : une cité-ski sans voitures où les routes sont des pistes de ski qui permettent aux skieurs de rejoindre les remontées mécaniques à ski. Les bâtiments sont implantés en fonction du relief pour profiter de la vue et de l’ensoleillement en révélant les montagnes qui les entourent : adossés à la paroi en bas des versants, incorporés sur les buttes, dressés sur le plateau, cette alternance vient rompre la répétition. Ils sont dessinés pour trouver des accords entre le milieu naturel et leur architecture selon le credo de Jacques Labro pour que “tout se ressemble mais rien ne soit pareil”.

Avoriaz, la nuit

Dans cette recherche de mimétisme entre l’architecture et la nature le bois est omniprésent jusqu’au choix des teintes. Les bardeaux sont laissés bruts avec des nuances qui vont du noir à l’argenté en passant par le rouge orangé comme les écorces des arbres. (“C’est là qu’on a fait le choix du cèdre rouge, un bois orangé au départ, et dont on avait observé au Canada qu’il prenait des teintes grisées très différentes selon l’exposition au soleil. Gérard Brémond”).

La neige s’accroche facilement sur ces façades inclinées et contribue à réunir chaque immeuble avec son milieu naturel, ainsi retrouve-t-on la douceur du paysage enneigé jusque sur le bâti. C’est la station dans son ensemble qui semble fusionner et disparaître dans la montagne. Avec le temps elle s’est patinée sans jamais se figer.

Depuis les Dromonts, première et emblématique réalisation en 1966, Jacques Labro est le garant de l’esprit d’Avoriaz. Au sein de l’Atelier d’Architecture d’Avoriaz avec Simon Cloutier, il poursuit encore aujourd’hui son travail d’architecte sur les nouveaux immeubles.

La semaine prochaine : Avoriaz, la piste aux étoiles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *