Comme tout va toujours plus vite, on est tenté de lire en diagonale. Mais la langue française se charge parfois de nous rappeler qu’elle offre d’exquises et piégeuses subtilités. Une phrase, qui peut sembler simplissime au premier regard, peut prendre une autre tournure après une lecture plus attentive.

Deux exemples
« Tu aimes Tintin plus que le Capitaine ». Lu rapidement : « tu préfères Tintin au Capitaine ». Lu attentivement : « tu aimes plus Tintin que le Capitaine aime Tintin ».
Autre exemple : « J’ai vu un homme avec un télescope ». Lu rapidement : « j’ai vu un homme qui tenait un télescope ». Lu attentivement : « j’ai vu un homme en me servant d’un télescope ».
Une capacité à brouiller les pistes
Volontairement ou non, notre langue propose plusieurs façons, toutes légitimes, d’assembler les mêmes mots.
Se limiter à une seule, c’est prendre le risque d’interpréter différemment ce que l’auteur a voulu dire, parfois confusément. J’ai rarement vu des débats plus passionnés que sur ce sujet.
Lire vite … c’est un peu rapide
L’œil repère une structure familière. Le cerveau, lui, adore aller à toute vitesse et complète mécaniquement. Il anticipe, reconstruit et comble les blancs.
Ce raccourci cognitif, utile au quotidien, peut aussi nous jouer des tours.
Lecture rapide et lecture attentive
La première exploite les schémas attendus : sujet – verbe – complément, les phrases stéréotypées, les priorités émotionnelles.
La seconde oblige à remettre chaque mot à se place, interroger ses fonctions, écouter la musique de la phrase … pour révéler un sens second, inattendu voire déroutant.
L’ambiguïté de la grammaire et du vocabulaire
Dans les deux exemples ci-dessus, ce sont exactement les mêmes phrases qui génèrent deux sens différents. Seule la manière de relier les groupes de mots change le sens.
Dans un mail, un post, un article, un compte-rendu, cette ambiguïté peut conduire à des tensions ou des erreurs d’interprétation.
Quelques astuces simples pour éviter la confusion
Recourir à une ponctuation explicite, reformuler avec d’avantage de précision, préciser le sujet du comparatif, préférer une répétition à un pronom dont le référent est nébuleux.
Et pour le lecteur, prendre le temps et pratiquer la nuance pour éviter de basculer dans un autre récit créé par notre cerveau pressé.