Le mythe de l’éternel second

« Ça me fait bien sourire. Je suis devenu une marque », avait-il coutume de dire. Comment Poupou, disparu ce 13 novembre 2019, est-il rentré dans l’inconscient collectif  en incarnant le romantisme à la française ?

Comme pour le France-Allemagne 1982 à Séville, le sport français se glorifie de défaites injustes mais glorieuses qui ont davantage marqué les esprits que bien des victoires. Raymond Poulidor a disputé 14 Tours de France sans en remporter un, sans même jamais porter une seule fois le maillot jaune. Il s’en fallut pourtant de 8 dixièmes de secondes en 1964 où il fut devancé par le Hollandais Joop Zoetelmelk et de 14 secondes qui le séparèrent d’Anquetil après une montée mythique du Puy de Dôme que les deux champions escaladèrent épaule contre épaule. Une vraie malédiction …

S’il n’a jamais gagné le Tour, c’est bien parce qu’il est tombé sur des rivaux d’exception, Anquetil puis Merckx mais aussi, entre la fin de carrière de l’un et l’avènement de l’autre, parce qu’il subit une incroyable accumulation de malchances, comme en 68 (cette année-là le Monde avait titré « une seule chose marche en France, c’est Poulidor ») où il fût renversé par un motard et contraint à l’abandon alors que la victoire lui semblait promise. De quoi être philosophe « plus j’étais malchanceux et plus le public m’appréciait, plus je gagnais de fric ». Une vraie bénédiction …

Un sacré palmarès et l’éternel troisième …
Poulidor, c’est 190 victoires, dans le Tour d’Espagne, à Milan San-Remo, la Flèche Wallonne, le Dauphiné, Paris-Nice, le Championnat de France … et sur le Tour de France, 7 étapes et 3 classements par équipe, mais seulement 3 deuxièmes places, alors que Zoetelmelk et Ulrich en collectionnent respectivement 6 et 5. Il serait plutôt l’éternel troisième (5 fois). Mais la légende est trop belle pour qu’on lui mette des bâtons dans les roues, d’autant que Poulidor, déjà statufié de son vivant, est parti pour une dernière échappée.

Quelques jours avant de succomber d’un cancer à l’estomac, Jacques Anquetil, avec lequel il avait noué une vraie relation d’amitié, l’avait appelé : « tu te rends compte, t’as vraiment pas de chance, tu vas encore faire deuxième ».
Laissons à Poupou le mot de la fin : « est-ce que je serai là aujourd’hui si j’avais gagné 2 ou 3 Tours de  France ? »

La semaine prochaine, nous verrons quel intérêt à être numéro 2 … en entreprise.

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