La pensée est impossible sans le langage, qui est le propre de l’homme.
Notre époque fortement digitalisée voit naître une nouvelle façon de communiquer. C’est même carrément une révolution qui se prépare : avec le numérique, c’est notre pensée qui doit être repensée, comme lors de l’apparition du langage ou de la diffusion de la culture écrite.
Au commencement était le Verbe
L’invention de l’écriture il y a 3 500 ans avant notre ère a bouleversé le monde : la connaissance a pu être stockée et transmise aux générations suivantes mais aussi partout dans le monde. Ces informations ont ensuite été corrigées, améliorées pour permettre à la société de se développer.
L’écriture permet également une analyse plus fine de la pensée, elle encourage la réflexion et la progression d’idées et de concepts de plus en plus détaillés.
L’écriture est la première forme de mondialisation
Si l’oral est éphémère, l’écrit, transmis à travers les lieux et les âges, est normé et porteur d’une force incontestable, synonyme d’importance, d’authenticité et de crédibilité.
L’arrivée du numérique ajoute un nouveau mode de communication et obéit à des mécanismes nouveaux.
La parole est sauvegardée, l’écrit devient périssable
La communication numérique associe l’écrit et l’oral, rendant très floue la frontière entre les deux. Avec les applications permettant de stocker le langage vocal (traduction instantanée, reconnaissance vocale), le langage écrit n’a plus l’exclusivité de la transmission. Les deux ont même tendance à se rejoindre (avec les SMS on écrit comme on parle).
La communication numérique aime prendre ses distances avec le réel à coup de trolls ou de robots, obligeant le citoyen à faire le tri dans la masse d’informations qui lui est proposée. Les opinions les plus extrêmes (souvent des fake news) sont généralement celles qui génèrent le plus de visibilité, donc d’engagement, au détriment des opinions plus équilibrées.
L’infobésité nous guette
La communication numérique est abondante (269 milliards d’emails envoyés chaque jour) et le volume d’information disponible double tous les eux ans.
Ce volume rend l’information instantanée et hégémonique, dépassant les capacités d’absorption de notre cerveau. Il nous incite à réaliser des raccourcis, à privilégier les infos à fort contenu émotionnel, qui favorisent les fake news.
La transformation doit être accompagnée
Même si elle comporte de nombreux aspects positifs, cette transformation oblige les mécanismes de l’intellect à se transformer en accompagnant cette évolution dans la sphère éducative ou au sein de l’entreprise. Voici 4 recommandations :
1/ Faire échec au fake news grâce au doute cartésien : il faut encourager et stimuler notre sens critique pour faire un tri dans le flux d’information, et avoir le même niveau d’exigence sur son contenu, que pour dénicher le meilleur prix d’un billet d’avion. Contre la manipulation de nos ressources cognitives, opposons une prise de recul salutaire.
2/ Privilégier l’approche empirique en associant une connaissance à une expérience sensible. L’intelligence artificielle et les algorithmes renforcent la manipulation de l’info. Il est donc indispensable de pouvoir se construire sur ses propres expériences pour faire ses choix de manière libre et éclairée.
3/ Développer l’inventivité de nombreuses compétences autrefois précieuses sont aujourd’hui facilement disponibles. Mais si traduire un discours sera demain automatisé, le rédiger nécessitera toujours l’usage de notre hémisphère droit, siège de l’imagination et de l’émotion.
4/ Faire de la place à la culture orale dans la transmission des connaissances pour compléter l’écrit dans le processus d’apprentissage et de transmission. Le contenu d’un discours peut être reconnu et structuré, ce qui le rend exploitable par les moteurs de recherche.
A l’ère du big data er des fake news, il est primordial de développer sa capacité à penser. Les mots clés seront donc : cartésianisme, empirisme, créativité et apprentissage.