ChatGPT, Midjourney … Mais que dit la loi ?

En quelques mois, ces outils boostés par l’IA ont conquis des millions d’utilisateurs, plus ou moins experts dans l’utilisation de ce nouveau phénomène. Véritables tsunamis technologiques déferlant sur le monde, ils révolutionnent bon nombre de métiers.
Le vôtre, peut-être ? Vous êtes-vous posé la question de leur utilisation, notamment en matière de droit ? Pour nous éclairer, j’ai demandé l’avis d’une spécialiste reconnue, Maître Aurore Sauviat*, avocate au Barreau de Paris.

Des enjeux à la mesure d’un fabuleux marché
Prenons l’exemple de ChatGPT, le plus emblématique des outils basés sur l’intelligence artificielle. A l’origine il est créé par l’entreprise à but non lucratif OpenAI dans l’idée d’en faire un outil  Open Source (dont le code source est accessible et modifiable par tout le monde), avec pour vocation de faire avancer l’intelligence numérique « pour le bénéfice de l’humanité ».
Mais très rapidement, les perspectives très lucratives qu’offre cet outil vont changer ce modèle vertueux. Open AI se transforme en société à but lucratif dans laquelle Microsoft investit 10 milliards de dollars. ChatGPT devient alors un produit, propriétaire d’une société privée qui en attend en retour de substantiels profits.

Où est le problème ?
Chat GPT est un réseau de neurones artificiels interconnectés permettant la résolution de problèmes complexes tel que le traitement du langage naturel. Il s’agit d’un type particulier d’algorithme d’apprentissage entraîné à l’aide d’un énorme volume de données provenant du web. Le contenu du web est ainsi « scrappé » (extraction du contenu de site internet), sans autorisation préalable des titulaires des droits sur le site et son contenu, ni même que leurs propriétaires/auteurs ne s’en rendent compte.
Parmi les contenus scrappés, un grand nombre d’entre eux sont susceptibles de faire l’objet d’une protection notamment au titre du droit d’auteur.
Ce mode opératoire pose à cet égard une interrogation majeure. Une société privée a-t-elle le droit d’exploiter, sans autorisation préalable, un contenu qui est protégé par le droit d’auteur, dans le but de le réexploiter à des fins commerciales ?

La justice s’en mêle (s’emmêle ?)
Aux Etats-Unis, plusieurs procès ont été intentés ; une class action (action judiciaire collective) est en cours contre le laboratoire qui développe Midjourney (une IA permettant de générer des images), accusé d’avoir indûment utilisé des milliards d’images copyrightées pour entraîner ses intelligences artificielles.
Aujourd’hui, la justice n’a pas encore tranché, mais le risque est bien réel. Lorsque le jugement sera rendu, et ça risque de prendre un certain temps, leurs utilisateurs ayant exploités des images contrefaisantes issues de ses IA pourraient être à leur tour considérés comme réalisant des actes de contrefaçon ou de parasitisme.

Et côté utilisateur ?
Un texte ou une image générée par une IA est-il protégé par le droit d’auteur ? Juridiquement la question n’est pas tranchée et des débats sont en cours dans chaque pays.
La tendance serait plutôt en faveur d’une réponse négative (en tout cas pour les Etats-Unis et certainement pour l’UE), car ces travaux réalisés par une IA sont générés par une machine avec une intervention humaine mineure. Or, pour le moment, la plupart des droits nationaux continuent de considérer que pour bénéficier de la protection du droit d’auteur une œuvre droit être originale et réalisée par l’humain.

Et en France, en Europe ?
Le droit et la situation sont bien différents, mais juristes et avocats scrutent l’issue de ces actions en justice américaines avec attention.
Heureusement, le Parlement européen, dans le cadre de sa stratégie numérique, s’organise pour réglementer l’IA. Le législateur veut se donner les moyens de veiller à ce que les systèmes d’IA utilisés dans l’Union européenne soient sûrs (non détournés pour de la surveillance de masse, de l’orientation de votes politiques, etc.), transparents, traçables, éthiques et régulés par des autorités de contrôle.

A suivre, la semaine prochaine …

Aurore Sauviat est spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, des nouvelles technologies, en droit des données personnelles et en droit commercial.
Elle est DPO certifiée par l’International Association of Privacy Professionnals (iaap), membre de l’Association des Praticiens du Droit des Marques et des Modèles (APRAM) et de l’Association Française des Correspondants à la protection des Données à caractère Personnel (AFCDP).

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