La société compte sur l’innovation pour avancer, mais il ne faut pas oublier son indispensable complément : l’exnovation, qui met fin à une innovation lorsqu’elle n’atteint pas les objectifs prévus.
Un concept récent et confidentiel
Le terme est introduit en 1981 par John R. Kimbely puis sombre dans l’oubli, avant de resurgir récemment dans deux domaines particuliers, la santé et la transition énergétique.
Par exemple, les médecins cessent de prescrire certains médicaments s’ils jugent que les bénéfices sont faibles ou nuls.
Plus généralement, quand une innovation n’atteint pas les performances escomptées, l’entreprise la remplace par une meilleure solution ou revient à la situation antérieure.
L’innovation, arme fatale de l’entrepreneur
Porté par une inventivité sans borne, une foi inébranlable et une persévérance sans limite, l’entrepreneurest persuadé que ce sont les idées et les produits nouveaux qui font avancer le progrès.
L’entrepreneur incarne ainsi ses trois valeurs fondamentales : la puissance créatrice, l’aspiration à la liberté et la quête perpétuelle du progrès.
Mais il est également confronté à l’échec.
La destruction créatrice
L’entrepreneur est celui qui rejette les vieilles méthodes et les produits obsolètes, pour qu’un nouveau monde et de nouveaux usages puissent émerger. Or, cette destruction ne vise pas ses innovations mais les vestiges d’un ancien monde qu’elles viennent remplacer.
Il importe donc d’intégrer dans la dynamique de création d’une idée la possibilité qu’elle puisse être« assassinée » par son créateur.
L’entrepreneur, cet artiste …
Ce parallèle, développé par l’économiste Joseph Schumpeter, suppose que la destruction occupe une place importante dans le processus créatif. Cézanne abandonnait de nombreuses toiles, sur le lieu même de leur création. Monet en détruisait certaines. Kafka a souhaité par testament que ses œuvres ne soient pas publiées.
Appliqué à l’entrepreneuriat, ce concept impliquerait de naviguer dans l’incertitude. Le processus d’exnovation doit intégrer des préoccupations plus globales.
Un catastrophisme éclairé
L’entrepreneur, ce visionnaire, doit associer la possibilité que ses idées puissent avoir des conséquences néfastes sur la société. Le développement des I.A. génératives illustre ce paradoxe. Après avoir exprimé leurs inquiétudes, des personnalités ont investit des sommes colossales dans cette technologie.
Pour prendre leur responsabilité dans l’exnovation, il faudrait que les entrepreneurs ajoutent une part de pessimisme dans leur vision, pour envisager le pire et se donner les moyens d’éviter un échec ou une catastrophe.
Les entrepreneurs devraient donc non seulement inventer et développer des idées novatrices, mais également se donner la possibilité d’organiser leur destruction, dans une dynamique qui fait de la mort une partie de la vie.