Le flex est le dernier Graal des entreprises : supprimer les bureaux privatifs au profit d’immenses plateaux aérés parsemés de mobilier blanc et de plantes vertes, mais sans place attitrée. Un vrai nomades’s land
L’année dernière j’avais écrit un article pour Manager Attitude, le site d’Edenred, qui vantait les mérites de ces bureaux « dynamiques ».
Avec un peu de recul, regardons comment les salariés vivent l’expérience : réussite ou cauchemar ?
La fin du bureau statutaire …
L’espace est repensé en fonction des besoins et du temps de passage de chacun. Dans le bureau version flex office, déclinaison moderne du vieil open space des années 90, les salariés sortent chaque matin leur ordinateur et leurs dossiers de leur casier à la recherche d’une place. Ils s’installent sur le premier poste libre et branchent leur smartphone …
Officiellement l’intention est des plus louables : à l’heure du tout digital et du travail en mode projet, l’entreprise doit être moins cloisonnée. En cassant les silos, les collaborateurs sont plus réactifs, travaillent davantage ensemble et beaucoup plus vite. Et de fait, même si seuls 6% des actifs français sont concernés, de grandes entreprises comme Accenture, Peugeot, Sanofi ou BNP Paribas ont franchi le pas.
… Dans un climat de fort scepticisme
Des salariés voient la fin du bureau attitré comme une perte de statut, qui atténue le sentiment d’appartenance à l’entreprise. Ce changement provoque l’idée de dépersonnalisation.
Dans certaines d’entre elles, la peur du bruit provoqué par les bureaux ouverts conduit à reléguer tout échange dans des espaces fermés ou autour de la machine à café. L’entreprise, qui voulait développer le travail collaboratif, doit maintenant se soucier de maintenir de la vie dans les lieux de travail.
Le flex se fait flexible …
Les entreprises ont perçu les inquiétudes naissantes chez leurs collaborateurs. Elles cherchent donc à accompagner le changement avant qu’il soit effectif. Chez Accenture, des groupes de projet permettent aux salariés d’exprimer leur ressenti, des newsletters sont créées pour qu’ils vivent de près les différentes étapes de l’aménagement.
L’entreprise évolue pour favoriser l’adaptation du flex par les salariés : le système de réservation de place dans les espaces ouverts collectifs, contraignant et peu efficace, a ainsi été abandonné.
… Et s’accompagne de télétravail
Ce nomadisme inédit s’accompagne de plus en plus souvent d’accords sur le télétravail ou le travail à distance, jusqu’à trois jours par semaine hors des murs chez Accenture. Ces dispositifs alimentent une nécessaire souplesse. Les salariés ont fait des concessions en adoptant le flex, en échange d’une amélioration de leur qualité de vie.
Au commencement était l’opportunité de faire des économies …
Le flex office a d’abord séduit les cabinets de conseil dont 80% des effectifs travaillent régulièrement hors des locaux, en mission chez leurs clients. L’objectif est de réduire les coûts en rationalisant l’espace. Mais ce n’est pas seulement un projet immobilier, l’idée c’est aussi d’être un catalyseur de de la transformation pour casser une organisation trop cloisonnée.
… Et à l’arrivée le problème est global
On voit bien la difficulté à faire coexister dans une même entreprise des modes de travail très différents d’une génération à l’autre, qu’il s’agisse du flex, de la place du travail dans la vie ou du sens de la hiérarchie. Et finalement la question est bien celle de la cohabitation entre les âges et l’équité intergénérationnelle.
Le paradoxe est de réfléchir principalement en fonction des millennials, comme s’ils étaient partout et les seuls à prendre en considération. Car le moment arrive où il faut penser différemment pour trouver les bonnes réponses, celles qui sont librement partagées et s’appliquent à tous les collaborateurs et de façon générale, à l’ensemble de la société.