a réunionite aigüe est un véritable phénomène de société. On ne connaît pas de remède pour conjurer ce fléau qui nous occupe quatre heures par semaine*. Comment faire de ces obligations collectives un vrai moment d’échange qui soit utile à tous ? Des réunions silencieuses …
« Une réunion sert à décider de l’ordre du jour de la suivante ». Jean-Loup Chiflet
75% des salariés avouent avoir déjà fait autre chose que de se concentrer sur l’ordre du jour pendant ces fameuses « réu » et seulement 12% pensent qu’elles sont réellement productives et efficaces. Tels de grands fauves, ceux qui se trouvent au somment de l’organigramme accaparent l’attention tout en étant sûr de partager un grand moment de démocratie directe. Pour les autres, restent le smartphone ou la sieste.
Le concept aurait été lancé par Jeff Bezos qui demande aux participants de lire et annoter en silence, durant 30 minutes, un mémo de plusieurs pages, avant de pouvoir finalement s’exprimer. Enrichies par cette lecture attentive, les interventions sont alors généralement concises et pertinentes. Il est également possible d’intervenir à distance en annotant ensemble un Google doc commun.
La principale vertu de ces réunions silencieuses est de faire émerger les voix qui sont habituellement silencieuses, et notamment celles des femmes. Le silence studieux est donc le nouveau levier de l’inclusion au bureau.
« Souvent dans une réunion, on remarque plus ceux qui sont absents ». Steve Lambert
Mais derrière ce discours positif, n’est-ce pas l’obsession d’un discours productiviste qui traque des gisements de croissance dans les moindres recoins de la vie au bureau. Et toute parole a-t-elle pour fonction exclusive la recherche d’un rendement maximal ? Faut-il éliminer toute parole superflue et ne sommes-nous que des ressources à exploiter ?
Ou alors on considère l’entreprise comme un petit théâtre où se joue un rite, en apparence dysfonctionnel, qui fabrique une vraie sociabilité, un esprit collectif, un vécu sur lequel se nouent de vraies relations créatrices.
Le « silent meeting » met en péril la possibilité de se tenir en retrait, comme le souhaitent ceux qui ne se battent pas pour parler plus fort que les autres et revendiquent le droit de ne pas avoir d’idée intéressante à verser au débat.
Et une blague lancée à la cantonade, une idée en apparence hors de propos, viendront ensemencer les débats de manière fortuite. Après l’avènement des open space, inutile d’en rajouter dans la surenchère monacale.