Ça sert à quoi un linguiste, concrètement ?

On m’a souvent posé la question, durant la série des 10 articles que j’ai consacrée à Le français va très bien, merci, des linguistes atterrés, à quoi servait, concrètement, un linguiste. Comme il est rare que les médias leur donnent la parole, commençons par dire que c’est un métier …

Les linguistes sont les scientifiques de la langue
Ils observent les pratiques sans se demander si une tournure est élégante ou si elle est trop familière.
Au contraire, ils se posent des questions telles que : « quand est-elle apparue ? Où et par qui est-elle utilisée ? Comment un nom comme pas est-il devenu un adverbe négatif ?

Leur approche est bien plus large
Ils se demandent donc : dans quel ordre les enfants apprennent-ils les sons, notamment lorsqu’ils sont bilingues ? Comment diagnostiquer au mieux et au plus vite les troubles et les pathologies du langage ? Comment et à quelle vitesse se diffuse un néologisme ?

La linguistique ne privilégie pas la littérature et le bon usage
La moitié des langues n’ont pas de tradition écrite. L’oral, dont l’usage reflète un usage plus spontané, permet de voir les évolutions en cours, souvent masquées dans l’écrit, plus normé, relu et édité.

La littérature ne peut pas servir d’alibi
Une construction ne peut pas être légitimée parce qu’un écrivain l’a employé. Au contraire, c’est souvent parce qu’un usage devient majoritaire que la littérature s’en empare, par exemple pour faire dialoguer ses personnages, comme : C’est pas possible ! Moi je vais venir.

La langue écrite est plus compliquée à étudier que la langue orale
Fini le temps où les linguistes notaient à la volée les phrases entendues au café ! Ils ont constitué de grandes bases de données en enregistrant des francophones et en retranscrivant fidèlement leurs besoins : c’est un travail considérable qui peut s’étaler sur des dizaines d’années.

Les linguistes sont plus exigeants que les puristes
Ce sont les mesures précises des usages et leurs descriptions minutieuses qui permettent aux linguistes de formuler des règles ; souvent, ils ne sont pas d’accord entre eux.

La linguistique a recours à des méthodes rigoureuses, qualitatives ou quantitatives, à partir de la récolte sur le terrain, d’enquêtes, des données numériques, des big data, des questionnaires, des expérimentations en laboratoire …

Le combat des linguistes est démocratique
Alors que les puristes prétendent éradiquer certaines façons de parler et condamnent quiconque ne suit pas leurs pseudo règles, les linguistes ne nient pas l’existence de discours normatifs, ni que deux variantes décrivant la même réalité peuvent coexister.
Elles n’ont pas le même emploi, ne sont pas perçues de la même façon mais ont chacune leur place dans le système de la langue.

En conclusion de ces 11 articles, cessons de donner la prééminence à des idées reçues ou de simples opinions personnelles pour faire plus de place aux recherches sur la langue française, son histoire et ses dynamiques.
Tout le monde y gagnera !

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