On parle surtout de ceux qui ont réussi. Nous sommes aspirés par le succès, inspirés par les victoires. Le risque est d’être obnubilé par ces trajectoires très éloignées de notre situation personnelle et de notre contexte. Faut-il se méfier de la bonne fortune des autres ?
Les bombardiers pendant la guerre
Les alliés cherchaient à mieux protéger leurs avions contre la DCA allemande. Ils commencèrent à renforcer leur blindage là où ils présentaient le plus d’impact de balles. Logique. Mais sans succès. C’est le biais du survivant. Cherchez l’erreur !
Abraham Ward est un jeune statisticien
Il comprend que s’il y a des trous dans la carlingue à certains endroits, c’est que ces avions pouvaient quand même subir ces impacts et revenir. Il faut donc raisonner différemment et regarder où les avions qui ont pu rentrer n’ont pas été touchés. Les trous dans les avions survivants indiquaient là où NE PAS rajouter du blindage.
Il étudia sur ceux-là le degré de dégât que chaque partie pouvait encaisser avant d’être descendus. Ces calculs sont toujours utilisés par l’armée américaine et la NASA.
Le succès se vend bien
Nous sommes plutôt fascinés par les histoires de réussite : les informations les mettant en scène impriment plus durablement notre mémoire. Prendre le succès pour exemple nous donne l’impression de contrôler la situation.
Nous voulons croire qu’il existe des recettes du succès, mais en prenant conscience du biais du survivant, nous réalisons que ces formules gagnantes n’existent pas. La chance, le hasard et d’autres nombreux facteurs individuels et collectifs entrent également en ligne de compte.
Choisir ses héros
Le biais du survivant nous incite à nous focaliser exclusivement sur le succès, à valider des modèles obsolètes et à surestimer systématiquement nos propres chances de succès.
Prendre comme exemple des gens qui n’avaient pas toujours une idée précise de ce qu’ils faisaient, dans un environnement disparu, est une approche limitée en termes de créativité et d’innovation.
Corrélation n’est pas causalité
Est-il pertinent de reprendre les stratégies marketing d’entreprises qui ont réussi ? Ce n’est pas parce qu’elles ont fonctionné dans un cas précis qu’elles sont garanties. Ou alors, visez des modèles avec des conditions-cadres aussi similaires que possible. Testez la stratégie efficace que vous pensez adaptée et optimisez-là en vous appuyant sur vos propres résultats acquis grâce à votre expérience.
Une distorsion cognitive
Le biais du survivant risque d’obscurcir notre jugement, mais il est possible de s’en libérer :
1/ Remettez en question les success story : quelle probabilité d’obtenir un résultant en reproduisant ce modèle ?
2/ Elargissez votre horizon : ne vous focalisez pas sur les « survivants » mais sur l’ensemble de la base de données.
3/ Demandez-vous « pourquoi » ? Et ne vous contentez pas du « comment ».
Les projets initiaux de Bill Gates et de Steve Jobs ne furent pas ceux qui leur permirent de réussir. Et si finalement la réussite de ces modèles ne tenaient qu’à un contexte unique et éphémère et à des talents personnels, difficilement reproductibles ? Mais qui seraient les vôtres !
Belle année 2021 !