Le français n’appartient pas à la France

Je poursuis ma lecture de Le français va bien, merci, des linguistes atterrés*. La langue est un sujet qui nous relie ou nous divise, mais c’est un bien commun dont il faut prendre soin. Après « le français n’est plus la langue de Molière », voici mon second article : « le français n’appartient pas à la France ». Mais à 300 millions d’humains …

Le français s’est très vite exporté
S’il s’est d’abord constitué sur le territoire de la France actuelle, la Wallonie et la Suisse romande, le français s’est ensuite exporté en Europe puis dans les colonies.
Ceux qui parlent notre langue la partagent à des degrés divers. Ils l’ont appris à l’école, au travail, dans leur famille ou sur le tas. Certains l’emploient en permanence, d’autres sont plurilingues …

Le français n’existe pas
« Le français n’a jamais été homogène ». Il s’exprime à travers une variété de prononciations, de répertoires lexicaux ou de tournures grammaticales. Il rentre en interaction avec de nombreuses autres langues.
Pas facile d’enseigner un seul français, qui mette tout le monde d’accord, dans une version artificiellement épurée.

Les nord-francophones
En France, mais aussi en Belgique, Canada, Suisse, le français est régulé par des instances officielles. Les dictionnaires, établis à Paris, intègrent de plus en plus des mots qui ne sont pas employés sur le territoire français, en les affublant de l’étiquette « régionalisme ».
La notion de français de référence est sous tension ….

Les sud-francophones
Dans ces pays, ex-colonies, « le français était la langue des colons, des élites, de l’émancipation, de la modernité, la langue convoitée à laquelle les indigènes n’avaient quasiment pas accès ».
Cette ambivalence a laissé des traces, encore présentes, et une forte insécurité linguistique. Elle favorise un conservatisme linguistique exacerbé et l’auto stigmatisation, de leurs créations néologiques ou de l’accent africain (« y’a bon Banania »).

Les Français sont des francophones comme les autres
On a séparé artificiellement les littératures « française » et « francophone », comme si cette dernière n’avait pas la même légitimité.
Cette division n’existe pas, à notre époque où nous défendons un multilatéralisme que nous ferions bien d’appliquer également à la francophonie.

En France, des dizaines de langues coexistent
Le rapport Cerquiglini en comptait 75 en 1999, de l’alsacien au basque, du corse au breton, en passant par les créoles, les langues parlées en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie …
« Même si le français y tient une place centrale, la France est un pays plurilingue, comme les autres pays francophones ».
Mais il nous est impossible de signer la Charte européenne des langues régionales. L’article 2 de notre Constitution spécifie en effet que : « La langue de la République est le français ».

Kinshasa, en République démocratique du Congo, 17 millions d’habitants, est la plus grande ville francophone du monde. L’avenir du français en tant que langue planétaire se joue en Afrique !

* Collection Tracts Gallimard, n° 49, mai 2023 / 3,90 €

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