Le français n’est pas « envahi » par l’anglais

Troisième épisode inspiré par la lecture de Le Français va très bien, merci*. Les puristes se plaignent d’être envahis et menacés par les anglicismes, qui viendraient « jusque dans nos bras, égorger nos paroles et nos écrits ». Ce n’est pas un combat mais un échange, les deux langues s’enrichissant mutuellement.

Un peu d’histoire
Le français et l’anglais sont des langues cousines dans la grande famille des langues indo-européennes. « A l’arrivée de Guillaume le Conquérant sur le trône d’Angleterre, les deux langues ont cohabitées pendant près de 3 siècles ». Près de la moitié du lexique anglais est emprunté à l’ancien français ou au normand.
Les interactions entre les langues les complètent, les mots ajoutés ne remplaçant pas les mots existants mais leur apportant une nuance de sens.

Le franglais n’existe pas en Europe
Le français s’approprie des mots selon un lent processus. La lecture nationaliste d’un mot est donc un contresens car elle néglige l’histoire d’une langue, qui est le produit d’une riche et complexe réalité qui évolue au fil du temps.

L’anglais est surexposé dans l’espace public
« Ouigo », « Made in France », la communication et la publicité cherchent à frapper les esprits et n’est pas représentative de la langue que les gens parlent.
Grammaticalement, les langues gardent leurs spécificités. On n’est pas près de boire une chaude eau avec un maison gâteau.

Les langues vivantes bougent continuellement
« Le mélange et l’impur sont des signes de vitalité pour une langue ». Ils l’empêchent de se fossiliser. La monde évolue, les langues aussi (covid est-il un mot français ou anglais ?).
Certains mots nouveaux sont adoptés par l’usage (logiciel pour software), d’autres non (pourriel pour spam) et il y en a qui hésitent encore (divulgâcher pour spoiler).
Plusieurs formes coexistent avec des sens différents (abonné et follower) ou des nuances, créant une infinité de synonymes.

L’exemple de « spoiler »
Il vient du français « espoillier », du latin « spoliare ». Notre verbe « spoiler », proche par le sens, ne s’emploie pas dans le même contexte. On retient un nouveau mot car il nous apporte quelque chose en plus.
La langue a le sens pratique, elle emprunte pour s’enrichir. « Faire du shopping, n’est pas la même chose que faire ses courses ».

L’anglais est la langue dominante
Dans les affaires, la science, les chansons, les films. Au XVIème siècle, c’était l’italien, à la cour de Russie sous Catherine II, c’était le français … Ce fût longtemps le latin, sans que cela empêche les langues nationales de s’imposer progressivement et durablement comme langues officielles.
Il est possible que l’anglais soit amené à jouer le rôle du latin à l’échelle mondiale, dans un monde plurilingue.

*Les linguistes atterrés
Collection Tracts Gallimard, n° 49, mai 2023 / 3,90 €

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