Quatrième chapitre inspiré par la lecture de Le Français va très bien, merci*. Depuis 1635, l’Académie française, créée par Richelieu, fixe les règles de la langue française et sanctionne les mauvais usages. Il est donc tentant de lui prêter le rôle d’arbitre. Qu’elle n’a pas …
Un peu d’histoire
Le rôle de l’Académie était de renforcer le pouvoir royal en s’appuyant sur les grands écrivains de l’époque, comme l’indiquent ses statuts : « travailler avec tout le soin et la diligence possibles à donner des règles certaines à notre lange et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ».
Cependant, en confondant langue et littérature, elle propose aujourd’hui une vision trop souvent élitiste de la langue.
Depuis le XXème siècle, elle ne suit plus l’évolution de la langue
Elle s’est ainsi opposée à la réforme de l’orthographe prévue en 1901 pour accompagner l’accès de tous les enfants à l’école. Pire, « son dictionnaire, seule production officielle actuelle, en est à peine à sa neuvième édition et n’est pas du tout à jour ».
Sa grammaire, qui date de 1932 et a été tellement critiquée qu’elle n’a pas osée en publier d’autre.
L’Académie française n’a aucun pouvoir sur la langue
Elle ne participe pas à l’élaboration des programmes scolaires de français et ne peut pas sanctionner les usages linguistiques qui ne suivraient pas ses recommandations.
« L’usage, bon ou pas, ce sont les francophones qui, au quotidien, le fabriquent, le façonnent, le font évoluer ».
On préfèrera à son dictionnaire les Larousse ou Robert, en prise directe avec les évolutions, qui intègrent de plus en plus les mots de toute la francophonie. Le vocabulaire est infini et bien des mots couramment employés ne figurent dans aucun dictionnaire, comme revaccinable par exemple.
Heureusement, d’autres institutions travaillent sur la langue …
L’Académie française bénéficie d’une aura symbolique et d’un prestige que lui confèrent son ancienneté, son apparat, ses écrivains connus. Mais on y accède sans aucune formation à la linguistique. Le vrai travail est réalisé par des experts dont le public ignore l’identité.
« Elle a ainsi préconisé en 2020 de ne pas utiliser les mots présentiel et distanciel sous prétexte qu’ils seraient des anglicismes. Ce qui est faux ».
… Et se débrouillent autrement
« Les pays francophones du Nord n’accordent de toutes façons aucun crédit à l’Académie de la France et ont leurs propres institutions qui effectuent un travail d’aménagement linguistique professionnel en prise avec les besoins des communautés ».
En France, c’est un organisme dépendant du ministère de la Culture, qui travaille en liens étroits avec des linguistes et finance le Dictionnaire des francophones.
Alors qui a le pouvoir sur la langue ?
Toutes celles et ceux qui la parlent. Et la langue la plus parlée dans le monde, l’anglais, ne dispose pas d’équivalent à notre Académie.
* Les linguistes atterrés
Collection Tracts Gallimard, n° 49, mai 2023 / 3,90 €