Le français n’est pas massacré par les jeunes, les provinciaux, les pauvres ou les belges

Pénultième article consacré à notre belle langue et inspiré par Le français va très bien, merci *. De tout temps, on a pensé que le français était en crise. Inutile de dire que ces craintes ne reposent sur aucune observation scientifique et n’ont aucun fondement. Ces paniques séculaires, toujours les mêmes, sont finalement plutôt rassurantes.

La langue des jeunes
Avant on disait « c’est vachement bath » et maintenant, « c’est trop stylé ». Trop facile de caricaturer les jeunes pour leur façon de parler, en leur reprochant leurs tournures familières et leur vocabulaire hermétique pour les adultes.
Ce n’est pas nouveau, chaque génération a son jargon comme signe de reconnaissance. Et dès qu’un nouveau mot « jeune » passe dans le vocabulaire commun (ouf pour fou), il est remplacé par d’autres (chtarbé).

On apprend à s’adapter aux situations de communication
Les travaux des sociolinguistes montrent que quiconque a été socialisé dans une langue apprend à s’adapter aux situations. Personne ne parle de la même façon à ses copains, ses parents, ses enfants, ses profs ou ses collègues.
Le succès d’une communication repose sur un seul principe : la pertinence. Une même tournure peut être magnifique dans certaines circonstances et ridicule dans d’autres.

Le mépris de classe derrière la condamnation
Si certaines variables grammaticales, lexicales ou de prononciation sont plus valorisées que d’autres, c’est avant tout pour des raisons de distinction sociale et non pour leur beauté, leur clarté ou leur élégance.
On appelle « glottophobie » l’ensemble des comportements et discours qui visent à rejeter quelqu’un en raison de son langage. Au risque de provoquer chez lui une vraie insécurité linguistique, qui peut se manifester par une peur de parler ou d’écrire.

La langue est souvent un ensemble de pratiques sociales
Une langue n’est pas en danger tant qu’on l’emploie uniquement pour certaines activités humaines. La richesse d’une langue, c’est de rendre possible nos interactions et nos pensées.
Si on ne l’utilise plus dans certaines situations, sa capacité – dans ces situations – se détériore et elle cesse d’évoluer.

Une langue n’a pas sa place dans un musée
Elle n’a pas besoin d’être stockée et momifiée. La seule façon de la « massacrer », c’est de ne pas l’utiliser, ne plus la transmettre.
C’est bien ce qui arrivé à certaines langues dans le monde : le français a quasiment disparu de Terre-Neuve, comme certaines langues autochtones sur le territoire canadien. En France, de nombreuses langues régionales sont en grand danger, comme le picard ou le gallo.

Les linguistes associés, Collection Tracts Gallimard, n° 49, mai 2023 / 3,90 €

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