Déjà le huitième chapitre de notre série consacrée au français, inspiré de l’ouvrage Le français va très bien, merci *. Voici un autre cliché concernant notre langue : le français parlé, avec son vocabulaire réduit, ses phrases courtes et parfois sans verbe, serait une version appauvrie de l’écrit !
L’oral précède l’écrit, comme dans toutes les langues
Le français a d’abord existé à l’oral puis, bien plus tardivement, à l’écrit. Et la majorité des autres langues sur la planète ont une tradition exclusivement orale.
Dans toutes les langues, on a apprend d’abord à parler puis à lire et écrire.
Peut-on comparer l’oral et l’écrit ?
L’oral est spontané, immédiat, sans donner beaucoup de temps pour réfléchir ; il est définitif et difficile à corriger comme tout ce qui est en direct.
L’écrit est plus soigné, souvent précédé d’un certain temps de réflexion et peut être corrigé sans que cela se voie.
Des modes de production très différents
A l’oral, on ne sépare pas les mots mais les groupes de mots. Le phrasé s’accompagne de tout un jeu d’intonations, de mimiques et de gestes.
A l’écrit, on sépare les mots, on met le texte en page, on peut changer la police et la taille des caractères, jouer avec la ponctuation.
Ces caractéristiques influencent différemment les formes linguistiques que nous utilisons, à l’oral comme à l’écrit.
L’écrit a sa grammaire …
Qu’apprend-on ? Que le français a 6 voyelles (a, e, i, o, u, y), que les mots sont séparés par des espaces et qu’un phrase commence par une majuscule et se termine par un point.
Mais l’oral aussi …
Et il serait bon de l’apprendre : nous avons au moins 14 voyelles (ou, les nasales on, an, in, un, le e de jeu, différend du oeu de sœur), les mots à l’oral se suivent dans un flot sonore continu, les phrases ont leur propre mélodie.
Et les évolutions se rejoignent …
Mais pas à la même vitesse. Les linguistes étudient depuis longtemps le français parlé dans de vastes bases de données orales transcrites : ils y observent des évolutions, comme la disparition progressive de ne pour marquer la négation, par exemple.
Ces évolutions finissent par se retrouver plus tard également à l’écrit.
Le redoublement du sujet n’est pas une faute
Prenons comme exemple une phrase prononcée par François Hollande : « La France, sur tous ces sujets, elle est à l’initiative ». L’essayiste Christian Combaz a critiqué « sa mollesse syntaxique » et l’a corrigé en « Sur tous ces sujets, la France a l’initiative ».
Or, l’ordre des informations sert l’argumentation. En plaçant le thème (la France) en début de phrase, on l’oppose à d’autres pays. Dans la version de Combaz, on comprend qu’on oppose une liste de sujets à une autre où la France n’a pas l’initiative, ce qui est tout différent.
Si l’oral use des tournures plus complexes, c’est pour introduire des nuances.
* Les linguistes associés, Collection Tracts Gallimard, n° 49, mai 2023 / 3,90 €