L’écriture numérique n’aime pas le français

Septième épisode de notre saga Le français va très bien, merci *. Une idée reçue galope : l’écriture numérique n’aimerait pas le français. Aujourd’hui tout le monde communique par écrit, y compris des personnes qui, autrefois, auraient pratiquement cessé d’écrire après avoir quitté l’école. Le français se construit en même temps que les usagers.

Nous nous approprions tous les nouveaux outils de communication disponibles
L’apparition des réseaux sociaux, sur téléphone, tablette ou ordinateur a démocratisé la langue. C’est la première fois depuis l’invention de l’écriture il y a plus de 5 000 ans qu’on peut lire ce qu’écrivent tous les usagers de la langue.

Des milliards de messages sont échangés quotidiennement
Sont diffusés à grande échelle, non seulement les livres de l’élite mais également les écrits libres et spontanés de tous les milieux sociaux.
De grands projets internationaux étudient ces nouveaux écrits dans plusieurs pays francophones. Grâce aux données massives collectées ils ont décrypté comment les écritures numériques révélaient la grande faculté d’adaptation et d’innovation en français.

Sur internet, le français n’est pas un mauvais français
C’est simplement l’une des multiples variétés de français qui existent aujourd’hui. Chacun adapte son langage et ses expressions selon les situations, les contextes et les personnes à qui il s’adresse.
Dans les écrits numériques, on s’adresse le plus souvent à des proches, dans un style familier avec des tournures standardisées, pour des échanges spontanés proches de la conversation orale.

Savoir quel français utiliser
Plutôt que de condamner les usages du numérique, il est préférable de souligner les frontières existant entre les différentes situations lorsque nous écrivons.
L’enjeu essentiel est alors de savoir, en particulier pour les plus jeunes, lorsqu’il faut utiliser une écriture libre ou un français plus normé. L’objectif est qu’ils soient autonomes dans toutes les situations. Les dispositifs numériques incitent les usagers à devenir « pluricompétents ».

Les émojis augmentent l’écriture, ils ne la remplacent pas
S’ils connaissent un tel succès, c’est qu’ils compensent l’absence des mimiques et des gestes existant à l’oral. Mais ils ne peuvent pas exprimer les nuances d’une pensée complexe.
Ils ne sont pas une écriture universelle car de nombreux signes possèdent un sens variable d’une culture à l’autre ou dans des contextes différents.

Il n’y a pas de fracture générationnelle
Un garçon de 12 ans écrit : « Wesh trkl tkt (tranquille t’inquiète) et une femme de 57 ans : « As-tu u le tps de fer le virment ».
Non seulement les abréviations sont une pratique banale (les copistes du Moyen Age les utilisaient déjà), mais c’est une pratique inoffensive.

Les SMS n’ont pas d’influence négative sur l’orthographe
Les innovations qui s’y rencontrent n’annoncent pas la fin du français, elles témoignent au contraire de sa vitalité et montrent que la langue résonne avec son temps. Le français est très présent sur internet. Une langue absente de la toile serait une langue morte.

* Les linguistes associés, Collection Tracts Gallimard, n° 49, mai 2023 / 3,90 €

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