Tout va de plus en plus vite, affirment ceux qui réfléchissent peu et ne regardent pas en arrière. Pour la plupart, nous avons stigmatisé l’ancien monde gangréné par l’incertitude et prôné la nécessité de se réinventer. Arrêtons-nous un instant pour nous demander si l’accélération n’est pas une illusion. C’est le dernier épisode de notre trilogie …
Plus rien ne serait durable
Le passé serait stable et prévisible et notre époque soumise à la volatilité et l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté, selon la célèbre formule VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity) crée au US Army War College à la fin des années 1980.
Le contexte serait devenu imprévisible : l’avantage temporaire remplacerait l’avantage concurrentiel, longtemps considéré comme le saint Graal de la stratégie.
Plus rien n’étant durable, l’innovation et l’agilité devrait se substituer à la construction d’une stratégie pérenne.
L’ère du changement permanent ?
Bien sûr, Kodak, Nokia, TWA … ont montré que le succès n’est pas éternel. Bien sûr Google, Facebook … illustrent à quelle vitesse des startups peuvent devenir des géants à l’échelle de la planète.
Mais ne pas oublier que Ford l’a déjà réalisé dans les années 1910 en passant de 10 à 60% de parts de marché grâce à l’invention de la chaine d’assemblage. Il ne fallait plus que 90 minutes pour assemble une Ford T, au lieu de plusieurs jours.
Et ce n’est pas tout
A la même époque, une incroyable série d’innovations a révolutionné le monde : électricité, téléphone, radio, cinéma, chimie … Le smartphone et la voiture autonome peuvent être perçues comme des évolutions ou des combinaisons de celles qu’ont connues nos arrière-arrière-grands-parents.
En 1794, 9 minutes suffisaient déjà pour transmettre un message entre Paris et Lille.
Questionnons la recherche académique
En 2003, Richard D’Aveni prétendait que nous avions basculé dans l’hypercompétition (vieille idée circulant déjà en 1965). Mais une étude menée dans 7 500 entreprises pendant 20 ans, en collectant 114 191 observations a montré que les marchés ne sont pas plus dynamiques que par le passé et qu’il n’est pas plus difficile de construire un avantage concurrentiel durable.
Placidité, pacifisme et prospérité
L’Europe de l’Ouest n’ pas connu de guère depuis plus de 75 ans, épisode inédit dans l’histoire. Les attentats depuis l’an 2000 ont fait moins de morts qu’un seul jour de combat de la Seconde Guerre mondiale (qui a duré 2 194 jours !) …
Bref nous vivons la période la plus pacifique de toute l’histoire de l’humanité … et la plus prospère. Si notre période est bien incertaine, elle l’est moins que celles qui ont précédé.
« Avant, les événements qui se déroulaient dans le monde n’étaient pas liés entre eux. Depuis, ils sont tous dépendants les uns des autres »
Signé Mark Zuckerberg ? Non, l’historien grec Polybe, il y a 2 000 ans !
S’intéresser à l’histoire, à l’économie, à la stratégie, c’est comprendre que l’incertitude est consubstantielle à l’évolution du monde. Et que nous pouvons vivre avec …