Mais à Digital City, pendant que ma Blonde touillait mon café avec son fume cigarette, les computers continuaient à tomber comme des femmes dans le livre de Desproges. La radio diffusait “Apocalypse” du groupe “Cigarettes after Sex” et vaporisait des particules de tendresse et de méfiance.
La Blonde glissa ses bras autour de mon cou et se décida à me mettre capiteusement au parfum. Elle devait avoir des choses à se faire pardonner. Mais cela ne fit qu’empirer.
– “Grâce à mon application SHADOW *, me dit-elle, je peux déporter mon écran d’ordinateur sur ta télé, ta tablette ou même mon smartphone. Avec ta connexion ADSL ou ma 4G, je pourrai bénéficier de tous les services de mon ordinateur et m’installer chez toi”. Ce genre de discours de me donnait des envies de fuite. J’appelais le sergent Pampers ».
Nous nous étions connus au Vietnam à Ho-Pi-Pin-Ville où notre jaune aventure était tombée en déconfiture et avait laissé des traces indélébiles en forme d’amitié. Il m’affranchit.
– « Le débit des réfeaux et les techniques de comprefion font tels que même les fampions de jeux video ne voit aucune différenfe avec un PF haut de gamme. Tu fuis » ?
Il avait un cheveu sur la langue. Il poursuivit.
– “BLADE * garantit à facun une performanfe conftante et dédiée”.
Il avait beau en tenir une couche, le vieux Pampers n’avait pas ses yeux dans les poches qui lui tenaient lieu de pommettes. Cette histoire de PC commençait à m’obséder.
J‘enfilai mon trench et mon chapeau et sautai dans ma vieille DS direction la cité des diseuses de bonne aventure. On me conduisit au devin de garde, plus tout jeune mais millésimé. Cet ancien para arborait une brosse coupée au carré et un balai dans le fondement en guise de médailles. Il m’honora d’un salut réglementaire ; je lui rendis, je n’avais que faire des courbettes.
– « Je vois … je vois … des prises de commande illimitées pour des livraisons cet été … je vois 100 000 utilisateurs dès 2018. Mais le grand public est-il prêt à dépendre complètement du cloud pour ses données et son informatique » ?
Puis il fit demi-tour extrême droite et me quitta brutalement. Même avec sa brosse et son balai, je ne nous voyais pas faire bon ménage.
Je rentrai tenter de faire un bouquet des pensées fanées qui me hantaient. La Grande Rousse crépusculaire était allongée dans ma baignoire, en train de boire mon whisky et fumer mes cigares **.
– “Alors coyote, tu as trouvé l’assassin » ?
– « Cela fait longtemps que j’ai compris, baby, BLADE veut se débarrasser des ordi pour imposer son SHADOW. Mais dans l’ombre les nouveaux parrains veillent : Microsoft, Dell, Amazon observent. BLADE envisage de lever des fonds pour partir à l’assaut des Etats-Unis. La guerre ne fait que commencer baby » !
Je rentrai dans l’eau tout habillé, pris le verre des mains de la Grande Rousse crépusculaire et la portai à mes lèvres.
* Voir l’épisode précédent.
** Pour initiés exclusivement
Apocalypse, par Cigarettes after sex