Quand les réseaux sociaux désocialisent

Pour humaniser l’entreprise, la solution coulait de source : renforcer sa transformation numérique et leur clé de voûte, les réseaux sociaux. Grâce à Workplace de Facebook ou Yammer de Micrososft, l’entreprise s’offre son réseau pour elle toute seule et propose à ses salariés de créer leur profil et toute la panoplie de fonctions associées.

40% des entreprises, de toutes tailles, ont déjà le leur, ce qui représente un réel investissement – 4 à 5 Euros par salarié et par mois – avec pour objectif de renforcer et accélérer la compétitivité et l’innovation. L’interactivité ainsi boostée laissait présager une appropriation rapide et massive par les salariés avides de pouvoir transposer au bureau leurs habitudes de la maison. Bien au contraire. Décryptage d’une enquête à contre-courant *.

Une nouvelle forme de hiérarchie virtuelle
« L’erreur que font les entreprises est de penser que leurs collaborateurs reproduiront dans un réseau social d’entreprise – un « RSE » – les comportements observés sur les réseaux sociaux privés », explique Jean Pralong, le chercheur qui a réalisé l’enquête. Créés pour décloisonner les organisations du travail et faire circuler l’information en se débarrassant de la bureaucratie, les RSE sont perçus comme un outil de la direction, ce qui empêche un usage spontané et libéré. Concrètement, les groupes sont créés par les managers, et les salariés qui y participent font partie de leur équipe. Au final, la machine à café reste plus conviviale pour échanger librement.

Quatre raisons expliquent cet échec
1/ Les salariés doutent de la pertinence des informations qui circulent sur ces réseaux et ne veulent pas perdre de temps.
2/ Même si l’information est pertinente et utile, ils ne veulent pas se mettre en position déloyale vis-à-vis de leur manager en soutenant une autre unité dans l’entreprise.
3/ Ils craignent de commettre des erreurs ou d’envoyer des contributions de moindre qualité.
4/ Laisser une trace écrite, outre l’aspect juridique, se heurte à l’habitude d’échanges informels.

La transformation digitale n’est pas un problème d’outil mais d’usage de l’outil
Pour Jean Pralong, il faut former les salariés à la maîtrise technique de l’outil et au rôle du RSE dans l’entreprise. Mais aussi « que les salariés aient la garantie que tout ce qui s’écrit sur un réseau social d’entreprise ne puisse pas être utilisé par la suite contre eux ».
Les entreprises auraient ainsi tout intérêt à utiliser les nouvelles dispositions du Code du Travail que sont les accords d’entreprise pour négocier le rôle et les conditions d’utilisation de leur réseau social interne.

 

* Etude de l’institut de Gestion Sociale, à partir d’un sondage auprès de 1 200 salariés, de l’analyse des pratiques de 4 500 d’entre eux et d’entretiens approfondis avec 50.

 

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