Vous êtes cool, stay woke

Résumé de l’épisode précédent : les Noirs-Américains répondaient à l’oppression par une distanciation ironique, le cool, une attitude de rébellion passive. Mais le cool a perdu son aspect revendicatif pour devenir un phénomène de consommation.

Avec l’arrivée de Trump au pouvoir, ouvertement hostile aux minorités et qui met à mal l’état de droit, la démocratie, l’économie de marché et le libre-échange, le woke est un véritable engagement.

Réveillez-vous !
Pour le magazine américain, « Fusion », l‘idée d’être woke – du verbe to wake, se réveiller – a pendant longtemps été l’expression d’un état d’esprit que l’on trouvait sur les réseaux sociaux black. En 2008, Erykah Badu enregistre « Master Teacher », une chanson dans laquelle elle rêve d’un monde sans racisme : c’est la première fois que l’expression « stay woke » est popularisée, puis elle retombe dans l’anonymat.

#BlackLovesMatter
Mais en 2013 l’assassinat de Trayvon Martin, un jeune noir par un policier blanc qui sera relaxé, voit la création de « #BlackLivesMatter », un mouvement militant afro-américain qui acquiert rapidement une énorme visibilité, notamment sur les réseaux sociaux. Etre woke signifie alors « être déterminé à combattre l’injustice ». Kendrick Lamar est un des porte-voix.

Blanchiment de woke
Le terme a récemment franchi la frontière de l’internet blanc. Il a été théorisé par David Brooks, chroniqueur au New York Times (c’est à lui qu’on doit déjà le néologisme « bobo ») en 2016 pour souligner une évolution des mœurs : être woke, c’est être conscient des injustices et du système d’oppression qui pèsent sur les minorités. Puis le terme s’étend rapidement à d’autres causes et d’autres usages. Par exemple, la cérémonie des Oscars et la volonté d’en finir avec le harcèlement sexuel, était en partie woke pour le New York Times.

L’expression d’un changement d’ère
Pour David Brooks, l’esprit de rébellion s’exprime sur un ton plus directement revendicatif. Les démarches qui étaient assimilées au cool : poursuivre une quête personnelle, afficher un style distinctif et mettre à distance le monde entier, sont remisées au profit d’une posture volontairement plus engagée.

Donald Trump excite le woke
Les injustices trop longtemps ignorées suscitent aujourd’hui un sentiment de révolte, d’autant plus fort que la Maison Blanche est accusée de vouloir transformer les Etats-Unis. Pour Pap N’Diaye, Professeur à Sciences Po, « sous Obama, les militants de BlackLivesMatter disaient en substance : « un Président noir, c’est une bonne chose, mais rien ne se passera si vous ne vous mobilisez pas. » avec l’arrivée de Donald Trump, le woke est désormais plus un appel à lutter contre le pouvoir qu’une manière de l’aiguillonner. » Joel Dinerstein, auteur de « The origins of cool in Postwar America » va plus loin : « Maintenant que Trump est Président, l’esprit woke est devenu important auprès d’une part bien plus grande de la population ».

Comme pour le cool, récupéré par les marques et la communication, le woke risque aussi de voir sa colère marketée par le business et transformée en valeur chic et tendance. A quand un parfum Woke dans un flacon aux formes du  buste de Mohammed Ali ?

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